Une pensée visionnaire

Georges Bernanos était un visionnaire, les thèmes qu’il a abordés, les causes qu’il a défendues
sont plus que jamais d’actualité. Découvrez ou redécouvrez la pertinence et la justesse de sa pensée
à travers différents extraits de son œuvre, classés sous forme de thématiques…

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"Prenez garde ! La Liberté est là, sur le bord de la route...".

« ...mais vous passez devant elle sans tourner la tête, personne ne reconnaît l'instrument sacré, les grandes orgues tour à tour furieuses ou tendres. On vous fait croire qu'elles sont hors d'usage. Ne le croyez pas ! Si vous frôliez seulement du bout des doigts le clavier magique, la voix sublime remplirait de nouveau la terre...»
La France contre les robots.

« Votre pensée n’est plus libre. Jour et nuit, presque à votre insu, la propagande, sous toutes ses formes, la traite comme un modeleur le bloc de cire qu’il pétrit entre ses doigts… »
La Liberté, pour quoi faire ?

« Qui s’ouvre indifféremment au vrai comme au faux est mûr pour n’importe quelle tyrannie. La passion de la vérité va de pair avec la passion de la liberté. »
La Liberté, pour quoi faire ?

Jeunes gens et jeunes filles, c'est d'abord en vous, c'est dans vos esprits, que vous sauverez la liberté. « Mais nous sommes des esprits libres ! » répondrez-vous. En êtes-vous sûrs ? Vous vous vantez d'être libres. C'est déjà la preuve que vous ne l'êtes pas encore tout à fait. Car la liberté de notre pensée se conquiert chaque jour contre nous-même, contre nos habitudes, nos préjugés, l'effort de la propagande, et cette lutte ne va pas sans d'amères déceptions, des défaites humiliantes, qui vous enlèveraient – si vous en faisiez la cruelle expérience – toute certitude d'être encore vraiment libres, ou du moins de vous proclamer tels.
Georges Bernanos, La révolte de l'esprit 1938-1945, « Conférence aux étudiants brésiliens » (22 décembre 1944). Editions Les Belles lettres 2017.

Tous les dictateurs, à toutes les époques de l'Histoire, ont invoqué la justice sociale, et même on peut dire qu'à de rares exceptions près ils l'ont servie. C'est toujours au nom de l'égalité qu'on a étranglé la liberté ; il ne peut y avoir d'égalité absolue que sous un maître absolu. Car la liberté se contrôle seulement, elle est à surveiller, à contrôler, tandis que l'égalité doit être rétablie à chaque instant par une discipline inexorable.
Georges Bernanos, La révolte de l'esprit 1938-1945, « Conférence aux étudiants brésiliens » (22 décembre 1944). Editions Les Belles lettres 2017.

Un monde gagné pour la Technique est perdu pour la Liberté.
Georges Bernanos, La France contre les robots (1944), I ; Pléiade Essais et écrits de combat tome II, 1995, p. 981.

Lorsqu'un homme crie : « Vive la Liberté ! », il pense évidemment à la sienne.
Georges Bernanos, La France contre les robots (1944), II ; Pléiade Essais et écrits de combat tome II, 1995, p. 987.

Capitalistes, fascistes, marxistes, tous ces gens là se ressemblent. Les uns nient la liberté, les autres font encore semblant d'y croire, mais qu'ils y croient ou n'y croient pas, cela n'a malheureusement plus beaucoup d'importance, puisqu'ils ne savent plus s'en servir. Hélas ! le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d'avoir gardé l'habitude de s'en servir... Je voudrais avoir un moment le contrôle de tous les postes de radio de la planète pour dire aux hommes : « Attention ! Prenez garde ! La Liberté est là, sur le bord de la route, mais vous passez devant elle sans tourner la tête. »
La France contre les robots

Oui, le simple exercice de la pensée devient chaque jour plus difficile, car le monde concentrationnaire en formation dans lequel nous vivons nous impose déjà de penser par masse, grâce à l'énorme développement de cette propagande en face d e laquelle la pensée libre se trouve dans une situation analogue à celle du plus modeste artisan devant la grosse industrie. Oui, le temps va venir, si nous n'y prenons garde, où la prétention d'un homme à penser librement paraîtra non moins absurde que noous paraîtrait l'illusion d'un brave mécanicien s'efforçant de fabriquer à la main des automobiles dans le but de concurrencer M.Ford ? Et d'ailleurs, pour la même raison. Car la pensée libre coûte déjà très cher, et en certains pays, elle est même hors de prix, elle coûte la vie.
La Liberté, pour quoi faire ?

 

"L'espérance est une vertu héroïque".

On croit qu'il est facile d'espérer. Mais n'espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu'ils prennent faussement pour de l'espérance. L'espérance est un risque à courir, c'est même le risque des risques. L'espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu'un homme puisse remporter sur son âme. On ne va jusqu'à l'espérance qu'à travers la vérité, au prix de grands efforts. Pour rencontrer l'espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu'au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.  

 

"Ici tout est pur, tout est neuf, tout s'efforce vers le haut, comme l'universelle ascension de l'aube".

"Certaines formes particulières de renoncement échappent à toute analyse parce que la sainteté tire d'elle-même à tout moment ce que l'artiste emprunte au monde des formes. Elle s'intériorise toujours davantage, elle finit par se perdre dans les profondeurs de l'être. Des actes aux mobiles, nous ne saisissons plus les rapports, et le contact une fois perdu ne se retrouvant point, à mesure que les faits observés rentrent plus étroitement dans l'ordre logique qui leur est particulier, ils nous paraissent au contraire se délier ou comme se dissoudre dans l'absurde. Pour renouer le fil rompu, il faudrait nous élever nous-mêmes, et par impossible, comme d'un bond, au but sublime entrevu par le héros, dès le premier pas de son ascension, but que son âpre et patient désir a par avance possédé, qui est l'unité profonde de  sa vie".
In l'Imposture p.75

"Si la sainteté déroule une histoire, ce serait plutôt quelque chose comme une succession, sans répétition où tout moment est unique. L’œuvre n'est pas mûre, c'est la charité qui est prête, c'est l’Être vivifié par l'Esprit qui a atteint désormais son plus haut point d'excellence".
In St Dominique Gallimard 1939 p.26  

 

"Qu'importe ma vie ! Je veux seulement qu'elle reste jusqu'au bout fidèle à l'enfant que je fus".

"Chères têtes rondes ! Chers regards désapprobateurs, et si touchants, si pathétiques, parce que leur gravité n’est que feinte et que nous trouvons, nous, sous tant de dignité glacée, une terreur ingénue de la vie, tous les rêves de l’enfance morts sans baptême – l’enfance, vous dis-je ! l’enfance sublime. Quelle tristesse ! Tant de gens qui n’ont jamais osé franchir l’adolescence pour entrer tout entiers dans l’âge mûr, avec la part noble de leur être, et qui ont choisi d’être stériles, par crainte d’embarras ultérieurs, ou de perte de temps. Perte de temps ! Ils ont perdu leur vie. L’aventure de la jeunesse, ce don de Dieu à chacun de nous [...], ils l’ont laissée exprès, elle les menait trop loin, ils n’ont pas voulu courir le risque de la sincérité, de la simplicité, de la grandeur, ils tombent dans le médiocre sans comprendre que la plus extraordinaire, la plus hasardeuse, la plus fantastique entreprise, c’est encore de subsister en imbéciles dans un monde ruisselant de beauté"...
"Noël à la Maison de France", 1928, Essais et Ecrits de combat, I, Pléiade

"On peut faire très sérieusement ce qui vous amuse, les enfants nous le prouvent tous les jours... Exactement comme on peut faire avec bonne humeur ce qui vous ennuie..."
Georges Bernanos, Dialogues des carmélites (1948), II, 6

"Certes, ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus. Et pourtant, l’heure venue, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu’à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant la troupe en désordre, entrera le premier dans la Maison du Père".
Les Grands cimetières sous la lune.

"Mais nous ! mais nous ! nous qu’on croit si téméraires, et même un peu fols, voilà que nous avons pris la route la plus sûre, nous avons été les plus malins, nous sommes désormais peinards [...]. Entre tant de fesse-mathieux qui rognent la vie comme un écu, tant d’avares, nous avons choisi d’être prodigues, simplement. Nous ne faisons grâce à notre vie d’homme d’aucun des rêves de l’enfance, et les plus beaux, les plus hardis, les plus avides".
"Noël à la Maison de France", 1928, Essais et Ecrits de combat, I, Pléiade

"Pauvres petits garçons français, mis à la torture par les fabricants de morale civique, et qui n’auraient connu d’autre image de la France qu’un cuistre barbu qui parle de l’égalité devant la Loi, si le bonhomme Perrault – disons saint Perrault, puisqu’il est sûrement dans le Paradis ! – n’avait offert aux rois et aux reines exilés l’asile doré de ses contes, les châteaux du Bois dormant. Quel symbole ! les cuistres du siècle des cuistres poursuivant la majesté royale – leurs sabots à la main pour courir plus vite, les imbéciles – et la majesté royale déjà était à l’abri dans les pans de la robe des Fées. Le petit homme français, abruti de physico-chimie n’avait qu’à ouvrir le bouquin sublime, et dès la première page, il pourfendait les géants, il réveillait d’un baiser les princesses, il était amoureux de la Reine. [...] Je connais un jeune Lorrain de quatre ans qui, à ma demande : "Qu'est-ce qu'un roi ?" m'a répondu : "Un homme à cheval, qui n'a pas peur !"
"Noël à la Maison de France", 1928, Essais et Ecrits de combat, I, Pléiade

 

"L'intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel, jusqu'à ce qu'il nous ait prouvé le contraire".

"En se conservant, les élites croient conserver tout ce qu’elles représentent, mais elles ne se demandent jamais si elles sont encore des élites, c’est-à-dire si elles en remplissent les devoirs. [...] Une société où le prestige ne correspond plus exactement aux services rendus, où les classes dirigeantes reçoivent plus de la communauté qu'elles ne lui donnent, est une société vouée à la ruine.

"J’ai dit, redit, répété depuis vingt ans que la crise universelle dont nous sommes menacés de périr était une crise des élites : le niveau de la révolution monte parce que le niveau des élites descend".
Georges Bernanos, Le Chemin de la Croix-des-Âmes.

"Ce qui rend la corruption, ou même la simple médiocrité des élites, si funeste, c'est la solidarité qui lie entre eux tous leurs membres, corrompus ou non corrompus, dans la défense du prestige commun".
Georges Bernanos, Le Chemin de la Croix-des-Âmes, III, « Infection sans fièvre »

 

"Une civilisation a toujours été une sorte de compromis entre le pouvoir de l’Etat et la liberté de l’individu".

"Les imbéciles eux-mêmes devraient comprendre que l’avènement des machines a rompu l’équilibre (…)".

"L’Etat disposait des fusils, mais il n’était pas libre de disposer des hommes. « Ce mot des civilisations des machines prête à tant d’équivoques ! Il paraît rendre responsables les machines d’un certain avilissement de la personne humaine, alors que l’envahissement de la civilisation par les machines n’est que la conséquence de cette espèce  de dépersonnalisation, un symptôme analogue et de signification identique à n’importe quelle autre victoire de la collectivité sur l’individu. Car la machine est essentiellement l’instrument de la collectivité, le moyen le plus efficace qui puisse être mis à la disposition de la collectivité pour contraindre l’individu réfractaire, ou du moins le tenir dans une dépendance étroite. (…) qui contrôle les machines est maître du froid et du chaud, du jour ou de la nuit." 
La Liberté, pour quoi faire ?

" (…) on ne doit pas dire qu’elle est la civilisation des machines, mais plutôt l’envahissement de la civilisation par les machines, dont la conséquence la plus grave est non pas seulement de modifier profondément le milieu dans lequel vit l’homme, mais l’homme lui-même".  
La Liberté, pour quoi faire ?

"La question n’est pas d’en revenir à la chandelle, mais de défendre l’individu contre un pouvoir mille fois plus efficace et plus écrasant qu’aucun de ceux dont disposaient jadis les tyrans les plus fameux". 
La Liberté, pour quoi faire ?

"Il ne s’agit pas (…) de détruire les machines, mais de faire face à un risque immense qui est l’asservissement de l’humanité, non pas précisément aux machines (…) mais (…) à la collectivité propriétaire des machines". 
La Liberté, pour quoi faire ?

 

"On a dit parfois de l'homme qu'il était un animal religieux. Le système l'a défini une fois pour toute un animal économique".

"On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure".
La France contre les robots

Ce qui m’épouvante – Dieu veuille que je puisse vous faire partager mon épouvante ! – ce n’est pas que le monde moderne détruise tout, c’est qu’il ne s’enrichisse nullement de ce qu’il détruit. En détruisant, il se consomme. Cette civilisation est une civilisation de consommation, qui durera aussi longtemps qu’il y aura quelque chose à consommer. (Georges Bernanos, La Liberté pour quoi faire ?, « L’esprit européen et le monde des machines".
Septembre 1946 ; Pléiade Essais et écrits de combat tome II, 1995, p. 1366.

"On a dit parfois de l'homme qu'il était un animal religieux. Le système l'a défini une fois pour toute un animal économique, non seulement l'esclave mais l'objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s'en affranchir, puisqu'il ne connaît d'autre mobile certain que l'intérêt, le profit. Rivé à lui-même par l'égoïsme, l'individu n'apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l'employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le régissent. Ainsi, le progrès n'est plus dans l'homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain."
La France contre les robots

"Je me hâte de les dire, ces choses, parce que le temps nous est mesuré pour les dire, et qu’une fois dites, on ne les étouffera plus, parce qu’elles sont des vérités de bon sens, elles continueront de parler lorsque nos bouches seront pleines de terre, et ceux qui nous suivront les verront encore lorsque nos orbites seront depuis longtemps vides… Je suis un homme moyen resté libre. [...] Nous sommes devant ce monde, ou plutôt nous sommes au seuil de ce monde. Il se passera bientôt facilement de notre acceptation, mais il craint encore notre refus. Il veut que nous baissions le regard sur notre travail pour que nous ne le levions pas sur lui, car comme tous les monstres, il a peur de la fixité du regard humain."
La Liberté, pour quoi faire ?

"Nous sommes devant ce monde, ou plutôt nous sommes au seuil de ce monde. Il se passera bientôt facilement de notre acceptation, mais il craint encore notre refus. Il veut que nous baissions le regard sur notre travail pour que nous ne le levions pas sur lui, car comme tous les monstres, il a peur de la fixité du regard humain."
La Liberté, pour quoi faire ?

"A l’heure actuelle, je ne connais pas de système ou de parti auquel on puisse confier une idée vraie avec le moindre espoir de la retrouver intacte, le lendemain, ou même simplement reconnaissable".
La Liberté, pour quoi faire ?

"Le but n'est pas, comme celui de ses devancières, l'entretien ou la conservation de biens réputés supérieurs à l'individu, c'est-à-dire indispensables à l'espèce, mais la simple consommation de ce qui est, pour hâter l'avènement de ce qui sera, car l'avenir a toujours raison contre le passé, la perfection est au terme des choses. (…..) à mesure qu'approche le jour attendu, infaillible, de la libération absolue de l'homme, non pas de l'homo sapiens du philosophe antique, mais de l'homme total, qui ne se connaît ni Dieu ni maître, étant à soi seul sa propre fin – l'affranchissement de l'homme, c'est-à-dire de tous les instincts de l'homme, de l'animal humain divinisé".
La Grande peur des bien-pensants EEC 1 P.331

 

"Une patrie est bien autre chose que cette organisation économique et politique qui tend de plus en plus à se confondre avec l'Etat moderne".

"Mi-usurier, mi-policier, dont l'oeil et à toutes les serrures et l'oeil à toutes les poches''(...) une patrie, une patrie humaine, oui, voilà ce que la France est encore pour des millions d'hommes qui ne sont pas français.''(...) L'amour de la patrie, comme l'amour de Dieu, est fondé sur le don volontaire de soi.(...)la patrie humaine s'incorpore au monde de la grâce, se trouve soumise à la loi de la charité. (…) Cette conception de la patrie a été celle de la chrétienté pendant des siècles".
EEC II p.1274

"Nul ne croit plus maintenant que la France puisse être sauvée par les méthodes d’une bonne administration. On n’administre pas un pays qui dévore sa propre substance, qui fait curée de sa propre substance. À quoi bon les lois, les décrets, les règlements, à quoi bon les règles du jeu quand tout le monde triche ?" 
Georges Bernanos, Français, si vous saviez…, « L’honneur français » (24 janvier 1946) ; Pléiade Essais et écrits de combat tome II, 1995, p. 1114

"Le moins qu’on puisse dire de la civilisation actuelle, c’est qu’elle ne s’accorde nullement avec les traditions et le génie de notre grand peuple. Il a essayé de s’y conformer pour y vivre ; il y a beaucoup, il y a immensément perdu. Il risque de tout perdre dans cet effort contre lui-même, contre son histoire".
Georges Bernanos, La Liberté pour quoi faire ?, « Révolution et liberté » (7 février 1947) ; Pléiade Essais et écrits de combat tome II, 1995, p. 1326).

"Quel Français n’est mécontent, c’est-à-dire ne rêve de détruire ou réformer quelque chose ?"
Georges Bernanos, La Grande peur des bien-pensants (1931), chap. IV ; Pléiade Essais et écrits de combat tome I, 1972, p. 108. 

"Un monde est en train de se construire et le moins qu'on puisse dire de lui est qu'il ne s'organise certainement pas selon les principes et les méthodes de notre tradition spirituelle. La civilisation française s'est fondée sur une certaine définition de l'homme commune à tous nos penseurs, croyants ou incroyants, celle de l'homme raisonnable et libre. C'était cette liberté de l'homme, cette solidarité absolue entre sa raison et sa liberté, qui donnait à la personne humaine son caractère sacré. Eh bien, le monde dans lequel nous allons entrer- peut-être y sommes-nous déjà, mais la porte ne s'est pas encore refermée sur nous- ne connaît pas l'espèce d'homme dont je viens de parler".

 

"On n’a pas raison de l’injustice, on ne lui fait pas plier les reins".

"Contre les autres, nés pour la haïr, et qui sont seuls l’objet de sa monstrueuse convoitise, elle n’est que jalousie et ruse. Elle glisse entre leurs mains, fait la morte à leurs pieds, puis se redressant les pique aux talons. Dès lors, ils lui appartiennent à leur insu, ils ont dans les veines ce venin glacé. Pauvres diables qui croient que le royaume de l’injustice peut être divisé contre lui-même, opposant l’injustice à l’injustice !" 
Les Grand cimetière sous la lune 

"Tais-toi ! Tu ne sais pas ce que c’est que l’injustice, tu le sauras. Tu appartiens à une race d’hommes que l’injustice flaire de loin, qu’elle guette patiemment jusqu’au jour… Il ne faut pas que tu te laisses dévorer. Surtout ne va pas croire que tu la ferais reculer en la fixant dans les yeux comme un dompteur ! Tu n’échapperas pas à sa fascination, à son vertige. Ne la regarde que jusque ce qu’il faut et ne la regarde jamais sans prier !" 
Journal d'un curé de campagne 

"L’injustice appartient à notre monde familier, mais elle ne lui appartient pas toute entière. La face livide dont le rictus ressemble à celui de la luxure figée dans le recueillement d’une convoitise impensable, est parmi nous, mais le cœur du monstre bat quelque part, hors de notre monde, avec une lenteur solennelle, et il ne sera jamais donné à aucun homme d’en pénétrer les desseins".
Les Grand cimetière sous la lune 

"Chaque civilisation a eu ses injustices. Mais l’injustice elle-même y était comme faite de main d’homme, comme faite à la main, et ce que des mains avaient fait, d’autres mains pouvaient le défaire. Au lieu que ce que nous appelons la civilisation moderne est une civilisation technique. (…) la moindre erreur peut y avoir des conséquences incalculables. La technique au service de l’injustice ou de la violence donne à ces dernières un caractère de gravité particulière".
La Liberté, pour quoi faire ?

 

"Le monde du Mal échappe tellement à la prise de notre esprit".

"D'ailleurs, je ne réussis pas toujours à l'imaginer comme un monde, un univers. Il est, il ne sera toujours qu'une ébauche, l'ébauche d'une création hideuse, avortée, à l'extrême limite de l'être.(...) Mais l'historien, le moraliste, le philosophe même, ne veulent voir que le criminel, ils refont le mal à l'image et à la ressemblance de l'homme. Ils ne se forment aucune idée du mal lui-même, cette énorme aspiration du vide, du néant".
Journal d'un curé de campagne.