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L’œuvre intégrale de Bernanos (suite)

Madame Dargent (1922),
Une nuit et Dialogue d’ombres (1928)

Trois courts récits d’importance majeure dans son oeuvre et pourtant méconnus sont rassemblés dans ce volume : «Madame Dargent » (1922) , «Une nuit» (1928) et «Dialogue d’ombres» (1928), où l’auteur de Sous le soleil de Satan se révèle plus que jamais obsédé par la mort, cette ultime épreuve où s’affrontent le Bien et le Mal dans les obscurités de la conscience. « Je voudrais dans mes livres lancer des escadrons d’images», confiait le jeune Bernanos à un ami.
Cette volonté et cette énergie, il les mettait en œuvre dès 1907- il avait alors dix-huit ans – dans ses premiers textes publiés que l’on trouvera encore ici : manifestations initiales d’un génie en devenir, nouvelles hachées, elliptiques où la vie rayonnante et le pur cauchemar, le plus âpre et le plus spirituel, nouaient déjà de formidables noces.

Saint Dominique

Extrait des dernières pages inspiré du Livret sur les origines de l’Ordre des Prêcheurs du bienheureux Jourdain de Saxe.
Autour du moribond qui achève de se vider de son sang mystique, de toute sa divine charité, dans une effusion de larmes austères, l’ordre bourdonne comme une ruche avec ses centaines de moines qui seront demain des milliers, ses cinq provinces de France, d’Espagne, de Lombardie, de Rome, de Provence, et ses cinquante monastères. La chrétienté occidentale est sauvée, non seulement des fanatiques obscurs dont le zèle barbare condamnait avec le mariage la vie même, mais de l’Islam, du schisme grec et des fureurs de Fréderic II. Oui, tel quel, cet homme couché est un des plus grands de l’histoire, et il entre néanmoins dans la mort, ainsi qu’il a surmonté la vie, du même élan sans retour, avec le regard de l’enfance. A larges pas réguliers, sa pauvre besace sur le dos, les poches vides, il a parcouru plusieurs royaumes, et à présent qu’il est couché, il a laissé sa besace, mais il a gardé ses gros souliers. Il est prêt, si Dieu le suscite de nouveau. Il ne laisse rien derrière. Ses fils brûleront ou disperseront ses lettre, les livres annotés de sa main, son bâton de voyage, ses habits, la chaîne de fer dont il se flagellait chaque nuit avec ce puissant râle dont l’écho se répercutait jusqu’à la dernière cellule des frères qui l’écoutaient, terrifiés.

Jeanne, relapse et sainte

Loin de toutes les récupérations, dans cette contemplation de la figure de Jeanne, Bernanos réunit trois traits qui lui sont chers : l’enfance, l’héroïsme et l’angoisse. Ces étapes de la brève existence de la Pucelle ont inspiré au grand romancier son oeuvre peut-être la plus passionnée et la plus pure, la plus concise et la plus mystérieuse. En Jeanne d’Arc se retrouvent incarnés tous les thèmes de sa pensée, tout son doute et toute sa certitude.

La Grande peur des bien-pensants

Vous pouvez lire La Grande Peur des bien-pensants. D’ailleurs, vous n’aviez besoin de personne pour le faire. Quand un écrivain est un écrivain, on peut tout lire de lui forcément. Avec tendresse et  férocité comme Bernanos lisait. Nous n’allons pas pousser le ridicule jusqu’à offrir à Bernanos un certificat de moralité ou de littérature. Il mérite mieux que notre indulgence. L’antisémitisme est l’antisémitisme et celui de Bernanos ne vaut pas mieux qu’un autre. Il est d’époque et 1930 n’était pas une très bonne année. Mais quand on a été contre Pétain en 1940 et qu’on l’a été, comme Bernanos l’a été avant presque qu’il y ait eu un Pétain à la devanture de la misérable boutique de spécialités françaises de Vichy, alors laissons à Bernanos ces quelques souvenirs de jeunesse qui ne sont pas à notre goût. Et puis La Grande Peur des bien-pensants, c’est bien sûr quelques phrases admirables, mais c’est aussi un de ces bahuts que l’on regarde isolé dans son coin avec une vraie délectation. Comme certain meuble incroyable que l’on a déniché dans la salle des ventes d’une petite ville de province dont on n’oserait citer le nom. On s’en est entiché à jamais et on aimerait être le seul à le posséder.

Les Grands cimetières sous la lune

« Le monde est mûr pour toute forme de cruauté, comme pour toute forme de fanatisme ou de superstition », écrit Bernanos en 1938 au moment de la guerre civile espagnole.« Georges Bernanos écrit avec son intelligence, avec sa sensibilité d’écorché, avec sa rage et son indestructible espérance. On tient là le mouvement secret de ce chef-d’œuvre, livre d’expiation autant que de dénonciation, de contrition et de refus, une catharsis. »Michel del CastilloRomancier, journaliste et pamphlétaire, Georges Bernanos (1888-1948) a dénoncé la tentation des fascismes. Il est notamment l’auteur de Sous le soleil de Satan et de Journal d’un curé de campagne. Romancier, journaliste et pamphlétaire, Georges Bernanos, né en 1888 à Paris, dénonça violemment la tentation des fascismes. Exilé au Brésil pendant la guerre, il rentre en France à la Libération et meurt en 1948. Durant sa vie, il s’essaye à tous les styles : romans, essais, nouvelles et même théâtre.

Scandale de la vérité

«Le scandale n’est pas de dire la vérité, c’est de ne pas la dire tout entière, d’y introduire un mensonge par omission qui la laisse intacte au dehors, mais lui ronge, ainsi qu’un cancer, le cœur et les entrailles. Je sais qu’un tel propos fera sourire un grand nombre de dignitaires d’Action Catholique et de prélats politiques. Mais moi, je ne me lasserai pas de répéter à ces gens-là que la vérité ne leur appartient nullement, que la plus humble des vérités a été rachetée par le Christ, qu’à l’égal de n’importe lequel d’entre nous, chrétiens, elle a part à la divinité de Celui qui a daigné revêtir notre nature, – consortes ejus divinitatis, – entendez-vous, menteurs ?»

Nous autres Français

Un pamphlets de Georges Bernanos écrits en 1938 et 1939. Nouveau chapitre de la campagne engagée par Bernanos depuis 1936 contre la “Croisade” du général Franco et contre Charles Maurras de l’Action Française.
Le dialogue Bernanos-Maurras est passionnant, et le portrait de Maurras qui nous est ici donné constitue un chef-d’oeuvre de satire, qui rappelle la grande discussion politique de “L’Imposture”. Bernanos rappelle à ce dernier qu’il s’est, après la condamnation de l’ “Action française” par le Vatican, privé de recevoir les sacrements. L’attaque se tourne alors vers les gens d’Eglise; vers le clergé et non vers l’Eglise; Bernanos en effet proclame sa fidélité inébranlable à cette Eglise, où, si on l’en chassait, il rentrerait, dit-il à genoux. La collusion de l’Eglise politique avec Maurras et avec Franco est, pour Bernanos, le signe même de la profonde crise de l’Esprit qui désole le monde moderne: l’Eglise elle-même verse dans le nominalisme; elle s’attache au signe plus qu’à la réalité; sa diplomatie n’a plus confiance dans la grâce et ne voit plus la profondeur surnaturelle de la vie des sociétés.

Les Enfants humiliés

“Puissions-nous toujours ensemble, moi et mes livres, être à la merci des passants !”. “… il faut beaucoup de prodigues pour faire un peuple généreux, beaucoup d’indisciplinés pour faire un peuple libre, et beaucoup de jeunes fous pour faire un peuple héroïque”. “… c’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents”. “… ce n’est pas ma chanson qui est immortelle, c’est ce que je chante”, Georges Bernanos.

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