Bernanos vu par 12 personnalités
PHILIPPE LANÇON
Journaliste, critique littéraire à “Libération”
Georges Bernanos abandonna l’art romanesque pour mener, essais après articles, sa lutte contre la dégradation française et l’Europe fasciste. Il le fit selon sa perspective catholique, royaliste, antiprogressiste; mais il le fit absolument. Et il devint l’une des premières consciences de la France libre. Il n’en accepta aucun dividende; ce n’était pas son genre. Soixante ans après sa mort, sa phrase porte toujours la grâce, les splendeurs de l’esprit de révolte et d’insoumission.
FLORENCE DELAY
De l’Académie Française, écrivain
Georges Bernanos met avant tout l’aventure spirituelle, et c’est celle dont nous avons le plus besoin. Cette aventure spirituelle est, comme le veut Péguy, réelle et charnelle, c’est à dire qu’elle n’est jamais abstraite et qu’elle peut s’incarner dans la vie de tous les jours. C’est une oeuvre qui lutte sans cesse contre ce qui nous affaiblit.
FRANÇOIS
MALLET-JORRIS
Écrivain
Par sa sincérité, son courage sans fanatisme, et cette langue merveilleuse qui semble refléter nos doutes et nos orages les plus présents, Bernanos a encore beaucoup à nous apporter.
CLAIRE DAUDIN
Écrivain
La voix de Bernanos est celle d’un prophète (…) Son réquisitoire contre le monde moderne est encore actuel par bien des aspects, notamment lorsqu’il s’en prend aux médias de masse qui manipulent les consciences et se font les relais de la propagande, annihilant l’esprit critique et la liberté intérieure. Il semble même que la vision bernanosienne du monde moderne anticipe notre situation quand, dans l’Europe dévastée d’après-guerre, il se demande s’il y a encore des hommes sur la terre, si ces êtres assoiffés de biens matériel, endoctrinés, privés de la conscience du bien et du mal, sont encore ses semblables, ses frères.
ÉLIE WIESEL
Écrivain, Prix Nobel de la paix
in “Le Mal et l’exil, dix ans après”, Paris, Nouvelle Cité, 1999 par Elie Wiesel et Michaël de Saint Cheron.
J’admire beaucoup Bernanos, l’écrivain. Mais si je l’admire c’est également pour ses prises de position d’après. C’est l’antisémitisme qui m’a gêné au départ chez lui, ainsi que son amitié pour Edouard Drumont bien entendu. Mais un écrivain de “droite” qui a le courage de prendre les positions qu’il a prises pendant la guerre d’Espagne fait preuve d’une attitude prémonitoire. Il était clair que Bernanos allait venir vers nous. Sa découverte de ce que représentent les Juifs témoigne de son ouverture, de sa générosité. C’est presque impossible de trouver en France, en Europe peut-être, un écrivain qui, avant la guerre en tout cas, n’ait pas connu sa période antisémite. Ce n’est pas sa faute d’ailleurs, parce qu’en vérité il ne faut pas oublier l’ambiance, le climat politique et littéraire qui régnaient alors. C’est pourquoi je ne peux pas en vouloir à Bernanos, qui eut le courage de s’opposer au fascisme, de dénoncer l’antisémitisme et de dire justement ce qu’il a dit et écrit de la beauté d’être juif, de l’honneur d’être juif, et du devoir de rester juif”.
CHRISTIAN BOBIN
Écrivain
La présence d’écrivains comme Bernanos est équivalente à une lampe tempête dans une maison privée d’électricité par un orage – c’est à dire un des ultimes points de lumière, donc de résistance. C’est à partir des paroles et des écrits de gens de cette trempe qu’on peut envisager de retrouver les chemins du ciel, et donc de la vie la plus quotidienne (…) Enfin, je ne pourrai jamais que m’incliner devant la noblesse d’un homme qui a passé sa vie à défendre l’enfant blessé en chacun de nous.